Jean Luc Mélenchon n’a pas donné une suggestion aux siens pour le second tour. C’est presqu’impossible à croire.
D’abord les faits. En ordre. Mélenchon, leader de la France Insoumise. Mouvement gauchiste radical, équivalent en Espagne de Podemos. Le leader admet – sauf la question de l’âge – un parallélisme avec Pablo Iglesias : une langue aigue, terrible. Des propos de rupture et le geste non-conformiste.
Il devait être la personne la plus opposée – a la forme et au fond –a Marine Le Pen, représentante celle-ci d’un nationalisme fermé et, disons-le, nostalgique, désirant d’un retour impossible au passé, de la fermeture des frontières – sans y calculer la richesse que l’aperture de celles suppose pour la France d’aujourd’hui et pour sa projection future -.
J’imagine qu’une personne – avant même qu’un leader – comme Jean Luc Mélenchon doit être dérangé pour les singularités constitutionnelles de la Cinquième République – ses Présidentielles à deux tours -, qui viennent de achever avec tout espoir pour la «gauche réelle».
Et c’est pour ça, son silence. Transitoire ? L’on ne sait pas. Il aura du temps pour modifier son avis et son mot, d’ici au second tour, quand il réfléchira sur la gravité du dilemme français – et même européen -. Tandis, le calcul intéressé de Marine et les marinistes est centré sans doute sur la possibilité de pêcher dans les eaux du vote de la gauche antisystème, anti Europe et anti globalisation (anti Macron, en somme).
Sur ceci, on pourrait susciter une interprétation plus malveillante et, si l’on veut, plus marxiste-léniniste –. Je ne résiste pas la tentation de le faire.
Je prends l’ineffable Julio Anguita – homme politique historique de la gauche espagnole – et sa théorie politique des deux rives: la vérité est ici. Au-delà, l’ordure : la droite, la banque et un long etcétéra. Et il a des bonnes raisons pour penser comme ça, de son point de vue. Traduction française actualisée : si on n’a pas pu mener nos vérités au second tour pour nous battre comme des braves, on rompt le jeu – pas de loyauté possible avec les règles de la bourgeoisie -. La liberté de vote est un droit sacré – ¡Dieu nous assiste, au cas contraire! -. Mais beaucoup dans la France Insoumise, y perdus, regardent au leader en lui posant la même question qu’au titre du fameux essai de Lénine: «¿Quoi faire?». Et Mélenchon y maintient un silence calculé, que pourrait s’interpréter comme «le pire, c’est le mieux pour nous ». Ça veut dire: favoriser la crise finale du capitalisme et, de là, obtenir le bénéfice et la chance.
Au fond, ce n’est pas si compliqué: soutenir passivement la monte d’un mouvement comme le Front National conduirait au chaos économique et social. C’est qu’il faut pour mener la nation envers une situation révolutionnaire. Ou presque. C’est la seule issue possible pour la gauche radicale. La contraire serait une lente agonie jusque l’extinction, telle qu’on se voit en Angleterre: l’autocratie conservatrice de facto.
Celles-ci ne sont que des spéculations d’un européiste espagnol sur les pensées hypothétiques d’un leader gauchiste français. Un dilemme: se taire ou se prononcer.
Parce que pour Mélenchon, se taire a des conséquences : il est devenu un acte révolutionnaire.